Un train au pied du Mont-Blanc
Histoire et technique du Mont-Blanc Express

Les Z 600

Introduction

Dès 1936, le PLM étudie un matériel plus moderne que les Z 200 pour maintenir l’intérêt touristique de la ligne. Cependant, la Seconde Guerre mondiale reporte ce projet. Les études ne reprennent que dans les années 1950. Quatre rames de deux motrices et d’une remorque sont commandées à Decauville (partie mécanique) et Oerlikon (équipement électrique).

Une concertation avec le chemin de fer Martigny-Châtelard permet de concevoir un matériel partiellement interopérabilité avec les BDeh 4/4 de ce dernier, commandées à la même époque. Le matériel Z 600 est équipé d’attelages automatiques de type Scharfenberg, que l’on retrouve sur beaucoup de matériel moderne (TGV par exemple).

Les Z 600 sont livrées en 1958. Ce matériel est constitué de huit automotrices Z 601 à Z 608, ainsi que de quatre remorques ZR 20601 à ZR 20604. Les Z 600 sont mises en service entre le 7 février et le 24 juillet 1958.

L’alimentation nominale s’effectue en 800 V continu par troisième rail, la tension sur la ligne ayant été portée à 800 V au moment de l’acquisition de ce matériel. Cependant, les Z 600 peuvent fonctionner entre 400 V (tension minimale sur les anciennes installations) et 900 V (tension maximale de la ligne de Cerdagne, dans les Pyrénées, où il aurait théoriquement été possible de les faire circuler).

Contrairement au matériel précédent, qui reposait sur des trucks à deux essieux, le matériel Z 600 repose sur des bogies, deux bogies de deux essieux pour être précis. Les automotrices Z 600 disposent d’une cabine de conduite à chaque extrémité.

Z 600 en livrée gris et orange à Vallorcine.
Z 600 en livrée gris et orange à Vallorcine. Auteur : MPW57.

La composition typique d’une rame est automotrice/remorque/automotrice, ce qui autorise à former simultanément quatre rames avec l’ensemble du matériel Z 600. D’autres combinaisons sont possibles, à condition qu’une remorque soit toujours encadrée par deux automotrices, afin de parer aux risques de rupture d’attelage. Le tableau suivant indique les combinaisons possibles (M signifie automotrice, et R remorque) :

Nombre d’élémentsComposition
1M
2M-M ou, sur Chamonix-Vallorcine, M-R (presque jamais utilisée)
3M-R-M ou M-M-M (constatée par l’auteur pour la première fois à l’été 2006)
4M-M-R-M
5M-R-M-R-M
En 1994, une rame Z 600 sort du tunnel des Montets.
En 1994, une rame Z 600 sort du tunnel des Montets.
Détail de l’attelage des rames Z 600.
Détail de l’attelage des rames Z 600.

Motorisation et freinage

Les quatre essieux des automotrices sont moteurs. Les moteurs, du constructeur Oerlikon, développent chacun une puissance de 100 kW. Chaque automotrice dispose donc d’une puissance de 400 kW. L’augmentation de la puissance de ce matériel, par rapport au matériel Z 200, a imposé le relèvement de la tension du rail conducteur.

Comme les Z 200 rénovées, les Z 600 sont équipées du freinage rhéostatique. Les résistances (démarrage et freinage) sont placées sur le toit, ce qui assure une bonne ventilation. Ces véhicules disposent de trois autres freins :

Ainsi, les véhicules Z 600 n’utilisent plus le 4ème rail central de freinage.

La commande de la traction et du freinage rhéostatique s’effectue grâce à un volant unique, qui dispose de 20 crans de traction et de 19 crans de freinage. Le freinage rhéostatique est suffisant pour maintenir l’allure du train en descente. Le contrôle de la vitesse du train s’effectue donc uniquement avec le volant ; l’arrêt est obtenu grâce au frein pneumatique.

La commande des motrices en unité multiple s’effectue grâce à des câblots électriques. L’attelage Scharfenberg assure les liaisons pneumatiques.

À la réception, des essais de traction ont montré qu’une automotrice Z 600 en surcharge (12 tonnes de lest), alimentée en 540 V au lieu de 800 V, arrivait à gravir la terrible pente de 90 mm/m à une vitesse de 25 km/h. À la descente, le frein électromagnétique a réussi à arrêter cette automotrice en surcharge alors qu’elle roulait à 52 km/h sur rail mouillé dans la pente de 90 mm/m.

En service commercial, les Z 600 peuvent circuler jusqu’à 70 km/h sur les sections à faible déclivité. Sur 90 mm/m, la vitesse est limitée à 45 km/h à la montée et 25 km/h à la descente.

En mai 1980, une rame de Z 600, Z 602 en tête, stationne en gare de Chamonix.
En mai 1980, une rame de Z 600, Z 602 en tête, stationne en gare de Chamonix. Auteur : Mario Stefani.

L’aménagement intérieur

Une automotrice est organisée ainsi : une cabine de conduite, un fourgon à bagages, un compartiment de 1re classe (8 places), une plate-forme d’accès avec deux strapontins, un compartiment de 2de classe (32 places). Au total, 42 places assises sont disponibles, auxquelles s’ajoutent 28 places debout.

Au début de l’exploitation, il était prévu d’admettre des passagers dans les fourgons à bagages aux heures de pointe, ce qui permettait d’accueillir au maximum 470 personnes.

Cette possibilité a été abandonnée par la suite, pour des raisons de sécurité. De plus la première classe a été supprimée dans les années 1990.

Les Z 600 sont complétées par les remorques ZR 20600, disposant de 59 places assises et 45 debout.

L’éclairage des compartiments est réalisée grâce à des tubes fluorescents montés en série et directement connectés en 800 V sur le rail conducteur.

La photographie ci-contre montre les anciens compartiments de première classe. À l’époque de cette première classe, ils étaient équipés de fauteuils au revêtement plus luxueux que ceux de deuxième.

Les voitures étaient au départ équipé d’un cabinet de toilette, qui fut supprimé lors de la révision de 1997.

En outre, tout le matériel roulant Z 600 reçut à la fin des années 1980 un équipement complet de sonorisation avec microphone portable VHF, afin de subvenir aux besoins des trains animés qui furent mis en place à l’époque.

Livrées et rénovations

Au départ, les Z 600 portaient une livrée rouge et crème. Au début des années 1980, elles subirent une importante révision, au cours de laquelle diverses modifications furent appliquées : modification des câblots de couplage, phares à griffes unifiés, etc. À cette occasion, on les revêtit d’une nouvelle livrée orange et grise évoquant celle du TGV.

La Z 601 a été baptisée « Chamonix-Mont-Blanc » le 16 juin 1987. Un écusson de la ville était appliqué sur la livrée orange et grise.

Depuis 1997, certains véhicules Z 600 (sauf la Z 608) et leurs remorques ont subi une révision partielle, au cours de laquelle, notamment, le cabinet de toilette a été supprimé. De plus, les véhicules ont à cette occasion revêtu une nouvelle livrée rouge et blanche, en harmonie avec celle des rames Z 800 du Mont-Blanc Express.

Cette opération, appelée ATPPR (Autres Travaux Programmés de Prolongation de Parcours) leur a donné la possibilité d’effectuer 50 000 km supplémentaires, avec une tolérance de 15 %. L’opération a été appliquée à la Z 604 en juillet 1997, à la Z 605 fin 1998, à la Z 602 début 1999, à la Z 607 en 2000, à la Z 606 à la fin 2001, à la Z 601 en 2002-2003, et enfin à la Z 603 en avril 2004.

Fin de vie

Dès 1997, l’arrivée des Z 800 condamnait les Z 600 à moyenne échéance. De fait, la Z 608 a été placée en attente d’amortissement en juillet 1997, puis radiée le 1er avril 1999.

Initialement, il n’était pas prévu que la Z 603 subisse d’opération d’ATPPR. Cependant, le 18 février 2002, un incendie accidentel en gare des Tines a provoqué la destruction de la Z 602. Celle-ci n’a pas été réparée, et a finalement été radiée le 23 mars 2005. En revanche, cela a justifié la réalisation d’une opération d’ATPPR sur la Z 601, ce qui lui a accordé 125 000 km supplémentaires, avec une tolérance de 15 %.

En 2002, la remorque ZR 20603 a été transformée en un wagon plat pour le transport de rails, immatriculé U 20603.

La Z 606 a été radiée le 20 octobre 2006.

En 2006, toutes les automotrices Z 600 avaient effectué un trajet total de plus de deux millions de kilomètres depuis leur mise en service en 1958. Une rame Z 600 de trois automotrices (donc sans remorque ZR 20600) était encore engagée en service commercial à la fin des années 2000.

Un ferraillage de grande ampleur a eu lieu à partir du 25 juin 2007. Il a été mené par l’établissement de Culoz de la SME (Société Métallurgique d’Épernay), une entreprise spécialisée dans la démolition ferroviaire. L’opération, conduite sur place, a concerné deux Z 600 radiées (Z 602, Z 606) ainsi que deux remorques (ZR 20602 et ZR 20604).1 Les caisses ont été méthodiquement découpées, comme en atteste la photographie dans la galerie ci-dessous.

Les Z 605 et Z 607 sont restées en service pour assurer des trains de travaux jusqu’à la fin de l’exploitation en système ÉCLAIR en 2016. Les Z 601 et Z 603 ont été conservées comme réserves de pièces pour les deux machines encore en service. Les automotrices Z 600 restantes étant à bout de souffle, il a été décidé ne pas financer la coûteuse adaptation aux nouveaux systèmes de sécurité de la ligne. Elles sont depuis remisées au Fayet en attente d’amortissement.

Préservation de la Z 604

En 2008, la Z 604 a été remise en livrée d’origine (rouge et crème) par les ateliers SNCF d’Oullins avec la collaboration de l’établissement Mont-Blanc à l’occasion du centenaire de la ligne Saint-Gervais-Vallorcine.

Dans ce cadre elle a été exposée à Saint-Gervais-les-Bains-le-Fayet à l’été 2008, et a effectué quelques trajets d’apparat jusqu’à Chamonix.

À l’automne, les impératifs d’exploitation de la ligne ont même imposé à la belle de reprendre du service : elle a dû ainsi assurer plusieurs trains de travaux !

La Z 604 est exposée depuis décembre 2009 dans la thématique « Trains de montagne » à la Cité du train à Mulhouse.

→ Vidéo : départ de la Z 604 par camion vers Mulhouse, par Daniel Zorloni.

Remise en livrée d’origine en 2008, la Z 604 s’offre le luxe de quelques trajets d’apparat avant de rejoindre la Cité du train. Après avoir marqué l’arrêt aux Pélerins, elle se dirige vers Chamonix en longeant l’Arve.
Remise en livrée d’origine en 2008, la Z 604 s’offre le luxe de quelques trajets d’apparat avant de rejoindre la Cité du train. Après avoir marqué l’arrêt aux Pélerins, elle se dirige vers Chamonix en longeant l’Arve.

Conclusion

En mars 1959, la Vie du Rail s’interrogeait : « le nouveau matériel battra-t-il le record de durée de l’ancien ? Plus d’un demi siècle ! » Certes, les Z 600 n’ont pas dépassé les 50 ans en service commercial (contre plus de 80 ans pour certaines Z 200 qui ont roulé jusqu’au début des années 1980), mais elles ont fait la preuve pendant cette période de leur robustesse, sur une ligne où les conditions d’exploitation sont particulièrement difficiles.

À la suite de l’installation de la signalisation lumineuse en 2017, les dernières Z 600 ont cessé de circuler sur la ligne. Les trains de service sont désormais assurés par le « Bobby » livré à l’Établissement Mont-Blanc par le Martigny-Châtelard (Xemh 4/4 no 4).

Références bibliographiques

Dernière mise à jour : 2 janvier 2022. © Christophe Jacquet, 2000-2023. Mentions légales et droit d'auteur. Contact. Plan du site.
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