Un train au pied du Mont-Blanc
Histoire et technique du Mont-Blanc Express

1990-2010

Alors que la partie française de ligne était sérieusement menacée de fermeture dans les années 1980, les années 1990 voient un renouveau : les modalités d’exploitation sont améliorées en France, puis une commande groupée de matériel est passée de part et d’autre de la frontière. Les années 2000 pérennisent cette renaissance : un second type de matériel est commandé et l’offre commerciale s’améliore, en termes de fréquences et d’arrêts.

1991 : ECLAIR, un système de cantonnement plus sûr en France

Description du système ECLAIR

En 1991, un nouveau système de cantonnement est introduit en France : ECLAIR (Exploitation Centralisée des Lignes Assistée par Informatique et Radio). Il se fonde sur l’utilisation de l’informatique et de la radio pour donner les autorisations d’entrée dans l’un des 8 cantons qui composent la ligne.

Aux extrémités de chaque canton sont installées des voies d’évitement, suivant le schéma suivant :

Schéma

Les deux aiguilles sont talonnables ; leur position par défaut est indiquée sur le schéma. Lorsque les aiguilles sont dans cette position normale (déviée à gauche), le feu jaune est allumé. Si pour une raison quelconque le train devait passer à droite, le conducteur recevrait des informations par radio. Il devrait arrêter son train au pied du signal et aller manœuvrer l’aiguillage à la main, ce qui aurait pour conséquence d’éteindre le feu.

En temps normal, la balise unique placée avant l’aiguille compte les essieux du train et permet de libérer le canton. Le conducteur avance son train jusqu’au pied du panneau DD et demande par radio au régulateur de lui donner l’autorisation de pénétrer dans le canton suivant. Le régulateur dispose des informations d’occupation des cantons, renvoyées par les compteurs d’essieux. Lorsque le canton demandé est libre, il attribue au train un numéro de dépêche tiré aléatoirement par ordinateur, et le transmet au conducteur. Par exemple : « 18957, autorisation les Tines - Argentière no 795 ». Ce nombre comporte toujours trois chiffres. Sa parité correspond au sens de circulation du train (voir la section consacrée à l’accueil des voyageurs pour les sens de circulation).

Sous le système ECLAIR, le panneau <em>DD</em> donne l’ordre au conducteur de demander l’autorisation de départ par radio. À Chamonix, le canal radio utilisé change, ce qui est indiqué par le panneau <em>Canal</em>.
Sous le système ECLAIR, le panneau DD donne l’ordre au conducteur de demander l’autorisation de départ par radio. À Chamonix, le canal radio utilisé change, ce qui est indiqué par le panneau Canal.

Le conducteur compose ce numéro sur un clavier et enclenche un cran de traction. Le train passe alors au-dessus d’une double balise magnétique située derrière le panneau DD. Un système embarqué dans le train, le système de contrôle de départ par balise (KADB), vérifie alors qu’un numéro a été saisi, et si ce n’est pas le cas, il arrête automatiquement le train.

Double balise magnétique du système KADB.
Double balise magnétique du système KADB.

Si un numéro a été saisi, mais que le canton où pénètre le train est occupé, le poste de commandement lance une alerte radio générale qui arrête tous les trains.

Le système ECLAIR a été mis hors service au deuxième trimestre 2017, dans le cadre de son remplacement par le block de ligne MZ et la signalisation lumineuse suisse de type L.

La radio sol-trains

Comme nous l’avons vu ci-dessus, le système ECLAIR repose sur une liaison radio entre le régulateur et les trains. En 1991, la ligne a donc été intégralement équipée du système SNCF de radio sol-trains avec transmission de données (RST-TD) qui permet au régulateur d’appeller sélectivement un train en particulier.

La radio sol-trains SNCF est restée utilisée jusqu’en mars 2023. Elle a alors été remplacée par un réseau TETRA. On voit ci-dessous quelques-uns des mâts portant les antennes relais de la radio sol-trains. Deux canaux étaient utilisés, le 2 et le 10, avec changement à Chamonix.

1997 : les Z 800, les rames d’interconnexion

Dans les années 1990, la SNCF, le conseil régional Rhône-Alpes (dans le cadre du programme TER) et la compagnie du Martigny-Châtelard se sont associés pour acheter cinq rames modernes de la série Z 800 : les Z 801/802, Z 803/804, Z 805/806 reviennent à la SNCF, tandis que les Z 821/822 et Z 823/824 sont gérées par le Martigny-Châtelard (où elles sont immatriculées BDeh 4/8 no 821/822 et no 823/824). Leur mise en service a lieu en 1997.

Ces rames sont qualifiées de rames d’interconnexion car elles assurent des relations directes de bout en bout entre Saint-Gervais et Martigny. Les passagers passent donc la frontière sans changer de train ; seul le personnel de conduite et d’accompagnement change.

Le 30 octobre 2015, la Z 803/804 marque l’arrêt en gare des Pélerins.
Le 30 octobre 2015, la Z 803/804 marque l’arrêt en gare des Pélerins.

En France, certaines anciennes rames Z 600 ont continué à être utilisées pendant plus de 10 ans après la livraison des Z 800. Elles ont subi une révision partielle et ont été repeintes en rouge et blanc, dans le même style que les nouvelles Z 800. Cependant, d’autres Z 600 ont été rapidement amorties et ferraillées.

Les Z 600 préservées étaient nécessaires pour conduire des trains de travaux, ou tout simplement pour assurer certains services voyageurs. En effet, les Z 800 étaient en nombre insuffisant pour supplanter complètement leurs aînées. Néanmoins, la fin de vie des Z 600 approchait. Il convenait donc de trouver une solution de remplacement...

2005-2012 : les Z 850 et Z 870, la relève du matériel de 1958

Lorsqu’il s’est avéré impossible de commander des rames Z 800 supplémentaires, les exploitants français se sont tournés vers le constructeur suisse Stadler pour acquérir un matériel adapté à la circulation en France uniquement (c’est-à-dire sans crémaillère). Financées par la région Rhône-Alpes, six nouvelles rames Z 850 sont arrivées progressivement de 2005 à 2008. Elles ont permis l’éviction des Z 600 en fin de vie en ce qui concerne les services voyageurs.

Après des marches d’essai entre l’automne 2005 et le printemps 2006, les premières Z 850 sont entrées en exploitation commerciale le 22 mai 2006. Dès l’été 2006, elles ont permis d’augmenter les cadences des dessertes entre Chamonix et Vallorcine.

Une rame Z 850 s’engage sur le viaduc Sainte-Marie.
Une rame Z 850 s’engage sur le viaduc Sainte-Marie.

Pour le remplacement de ses BDeh 4/4, du même âge que les Z 600, le Martigny-Châtelard s’est tourné vers la même solution. Après des essais de Z 850 en 2009 et une commande en 2010, deux rames Z 870 ont été livrées en juin 2011. Très similaires aux Z 850, elles disposent en plus de tous les dispositifs pour circuler en Suisse, notamment en ce qui concerne la section à crémaillère. Après une importante campagne d’essais, elles sont entrées en service commercial en janvier 2012.

Une rame Z 870 à proximité de Vernayaz.
Une rame Z 870 à proximité de Vernayaz.

En France, une amélioration de l’offre sous l’égide des collectivités locales

Les années 1990 et 2000 ont vu une implication croissante des collectivités locales dans la gestion de la ligne. Ainsi, la ville de Chamonix est à l’origine d’un ambitieux projet qui comporte une augmentation drastique des cadences (un train toutes les demi-heures) ainsi que la création de nouveaux arrêts, de façon a répondre au mieux aux attentes des touristes et des locaux.

Libre circulation et cadencement

Les communes de Servoz, les Houches, Chamonix et Vallorcine financent directement le fonctionnement de la ligne : les habitants de la commune ainsi que les touristes bénéficient d’une libre circulation. Cette mesure, entrée en vigueur en 2004, a provoqué une importante augmentation de la fréquentation de la ligne.

La desserte a ensuite été étoffée avec le passage au cadencement horaire au service d’hiver 2008. Concrètement, sauf exception il y a un train par heure et par sens, et il passe chaque heure à la même minute à un arrêt donné. Cela rend l’horaire facile à retenir et rend le train particulièrement attractif.

Nouveaux points d’arrêt

En concertation avec les représentants des usagers, qui ont formulé diverses propositions, deux points d’arrêt ont été créés à la fin des années 2000.

L’arrêt Vaudagne, situé entre Servoz et Viaduc-Sainte-Marie, avait existé jusqu’en 1990. Il avait été supprimé lors de la mise en place du système ECLAIR. Il a rouvert en juillet 2008. Le quai a été refait ; un nouvel abri en bois a été installé.

L’arrêt Vaudagne a rouvert en 2008.
L’arrêt Vaudagne a rouvert en 2008.

Un nouvel arrêt a été créé entre Chamonix et les Moussoux. Situé en centre-ville de Chamonix, à l’intersection de l’avenue de l’Aiguille du Midi et de la rue Paccard, à un carrefour très passant, il est dénommé Chamonix-Aiguille du Midi. Il a ouvert début juillet 2009.

Un quai accessible a été créé ; il est muni d’un abri de style urbain contemporain. L’accès se fait depuis l’avenue de l’Aiguille du Midi, au droit du passage à niveau, via une allée dénivelée, ou bien par des escaliers depuis la route Couttet Champion.

À l’occasion de cette construction, la ligne aérienne du feeder a été enterrée sur environ 250 m, entre le pont routier de l’Avenue de Courmayeur et le passage à niveau de l’Avenue de l’Aiguille du Midi.

L’arrêt Chamonix-Aiguille du Midi est en construction en juin 2009.
L’arrêt Chamonix-Aiguille du Midi est en construction en juin 2009.

Des infrastructures rénovées en France

Jusqu’aux années 2000, la voie en France était équipée de ses rails PLM-A d’origine, en barres courtes de 12 m. Ces rails étaient usés, et leur courte longueur occasionnait de nombreux cahots lors du roulement du matériel. De plus, sur certaines sections, le ballast était en très mauvais état.

Une campagne importante de renouvellement de la voie a donc été entreprise au milieu des années 2000, grâce à des financements du conseil régional Rhône-Alpes. Cette réfection a été en majeure partie menée par la brigade voie de l’Établissement Mont-Blanc. Elle a compris :

La bourreuse Matisa de l’entreprise Laurent Membrez est utilisée pour les travaux de voie des deux côtés de la frontière.
La bourreuse Matisa de l’entreprise Laurent Membrez est utilisée pour les travaux de voie des deux côtés de la frontière.

Cependant, afin de permettre une augmentation du trafic (cadencement des trains à la demi-heure et non plus à l’heure), une modernisation bien plus importante était nécessaire. Après bien des atermoiements, les travaux ont débuté début 2012. Ils font l’objet du chapitre suivant.

Références bibliographiques

Dernière mise à jour : 6 mai 2023. © Christophe Jacquet, 2000-2023. Mentions légales et droit d'auteur. Contact. Plan du site.
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